Arrestation de l'ex-numéro 2 de la junte et de trois officiers, limogeages en série, accusations de complot: les déchirements au sein du pouvoir en place au Niger depuis le putsch de février font planer une ombre sur la transition en cours vers un régime civil.
Le 31 octobre doit se tenir un référendum sur le projet de Constitution censée remplacer celle qui avait été suspendue après le renversement du président Mamadou Tandja (1999-2010). Après des élections locales, la présidentielle du 31 janvier 2011 doit parachever la transition, pour que le pouvoir soit rendu aux civils en avril.
Or, le doute s'est installé avec l'arrestation vendredi du colonel Abdoulaye Badié, ex-numéro deux du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD, junte), et de trois hauts gradés qui l'ont rejoint en détention à la gendarmerie de Niamey.
Le coup de balai a continué lundi avec un nouveau limogeage, celui du chef du contre-espionnage Seïni Chékaraou, décrit comme "proche" du colonel Badié.
Mais, dans un climat lourd de rumeurs depuis plusieurs semaines, l'arrestation de celui qui fut un des hommes les plus puissants du pays reste entourée de mystère.
Côté présidence, on a évoqué "une tentative de déstabilisation du régime" pour "prolonger la transition", et même un projet d'assassinat du chef de la junte, le général Salou Djibo. Cependant, les officiels ont observé un silence absolu, en attendant une intervention du général Djibo prévue cette semaine.
Selon des sources concordantes, des divergences au sein du CSRD existent depuis le début concernant la durée de la transition, voire sa signification - réformer en profondeur le système ou non - ainsi que le sort de Mamadou Tandja.
Mais rien ne permet de dire si la déchirure entre les deux chefs de la junte, aussi discrets l'un que l'autre et longtemps proches d'après des témoins, trouve là son origine.
Certains avancent aussi que le colonel Badié, chef de l'intendance des armées nommé sous l'ère Tandja - poste financier et hautement stratégique -, aurait pu faire les frais de "l'assainissement" des milieux dirigeants voulu par le général Djibo. Plusieurs caciques du régime précédent ont été envoyés en prison pour de présumés détournements d'argent.
Des journaux nigériens ont aussi formulé l'hypothèse de détournements de fonds destinés à la sécurité dans le Nord où ont été enlevés mi-septembre sept expatriés dont cinq Français, malgré une forte présence militaire sur ce site d'extraction d'uranium.
Le colonel Badié, grâce à son grand pouvoir de nominations, s'était en tout cas taillé un "gros réseau", affirme à l'AFP un familier des cercles du pouvoir à Niamey, qui doute que le remue-ménage puisse aller très loin.
Si la tranquille Niamey est à peine troublée par le déploiement un peu plus visible de forces de l'ordre, surtout la nuit, les incertitudes actuelles pèsent sur la transition.
"Lorsque les tenants de la junte ne s'entendent pas et qu'ils versent dans la +complotite+, cela nous inquiète", explique Tamboura Issoufou, porte-parole du Mouvement national pour la société de développement (MNSD, ex-parti au pouvoir), redoutant "une prolongation de la transition".
Pour Iro Sani, un dirigeant du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), les dissensions rendent même "aléatoire" la tenue des élections.
Mais les autorités se veulent rassurantes sur le respect des échéances.
A la commission électorale qui évoquait ce week-end un "report inévitable" du référendum du 31 octobre faute de financement, le ministre de l'Intérieur Ousmane Cissé a promis des fonds et affirmé, catégorique: "aucune élection ne fera l'objet d'un report".
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