Le Nord du Niger a renoué samedi avec la grande fête de ses communautés nomades à Ingall, au moment où l'action d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans la région repose avec force la question du sort des ex-rebelles touareg.
Miroir au creux de la main, un garçon bororo à la silhouette gracile retouche le maquillage jaune étincelant de son visage, tout en pressant le pas.
Comme lui, plusieurs milliers d'éleveurs peul, bororo, touareg et arabes en habits de fête se sont donné rendez-vous pour la "Cure salée" dans cette localité aux confins du désert, à quelque 140 km à l'ouest de la capitale régionale Agadez et 1.000 km au nord de Niamey.
La plus grande fête des éleveurs du pays - qui doit son nom aux sels minéraux dont les pâturages regorgent à cette époque de l'année, grâce aux eaux de ruissellement des proches montagnes de l'Aïr - avait été suspendue en 2007. Une seconde rébellion touareg (achevée fin 2009) venait d'être lancée pour une meilleure répartition des revenus miniers de la région.
Les autorités ont maintenu le rassemblement malgré la montée de tension liée à l'enlèvement le 16 septembre de cinq Français et deux Africains sur le site minier d'Arlit, un peu plus au nord. L'armée s'est déployée pour sécuriser la vaste plaine d'Ingall, au coeur de la "zone rouge" du pays.
Si côté éleveurs ce n'est pas l'affluence des grandes années et que seule une poignée de touristes s'y est aventurée, l'ambiance est toutefois joyeuse.
Sur ce territoire peuplé de Touareg, la fête paraît un peu la leur: leurs femmes ouvrent le bal avec chants et you-you, puis les chameliers défilent sur leurs montures savamment harnachées.
Les officiels qui montent à la tribune sous un soleil écrasant ne parlent que de "paix".
"La paix est une richesse que malheureusement nous sommes en train de gaspiller", avertit le gouverneur d'Agadez, le colonel Yayé Garba.
En ligne de mire: "l'insécurité résiduelle", c'est-à-dire les bandits armés issus des ex-"fronts" touareg.
Mais, alors que les rapts de la semaine dernière semblent confirmer que des Touareg peuvent prêter main forte aux jihadistes, aucun responsable ne prononce au micro les mots "rébellion" ou "Aqmi".
"C'est une politique de l'autruche", fulmine Seydou Kaocen Maïga, ancien porte-parole rebelle.
En laissant "dans la nature plus de 4.000" ex-combattants à qui on avait promis une réinsertion contre leur désarmement, on fabrique des "sympathisants potentiels" pour Aqmi, dit-il à l'AFP.
"Les gens d'Aqmi tournent dans l'Aïr depuis plusieurs mois, on ne sait pas si c'est pour recruter ou sensibiliser", et argent et islam leur servent à élargir leur influence, prévient-il.
Les enlèvements ont été une "surprise" pour les Touareg, assure le chef de l'une des communautés, Abou Hamid Ag Azzour. Le vieil homme confie sa "peur" que cette région en mal de développement ne devienne un fief d'Aqmi.
"Il faudrait que les notables touareg de la région prennent attache avec les islamistes pour leur dire qu'ils n'acceptent pas ça chez eux", ose l'un de ses proches, Mahamoudane Aghali.
Mais en attendant, après une saison 2009-2010 marquée par une sécheresse qui a décimé des milliers de bêtes, l'heure est à la fête à Ingall: des courses de chameaux et même l'élection d'une "Miss Cure salée" se préparent.
Toute la journée, garçons et filles rivalisant de parures et de coiffes sophistiquées se sont frôlés et toisés. Les plus ardents se retrouveront le soir à la palmeraie toute proche
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