Avec la fin de la rébellion touareg au Niger en 2009, certains membres de la communauté ont noué des liens avec des islamistes armés, à qui ils peuvent vendre leurs services pour des enlèvements ou des trafics, sans partager leur idéologie, estiment des spécialistes de la région.
Après l'enlèvement jeudi de cinq Français et deux Africains dans le nord minier du Niger, Niamey a affirmé que les ravisseurs parlaient "majoritairement" arabe et tamachek, langue des Touareg de la région.
Soupçonnant l'implication d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) - auteur par le passé d'enlèvements d'Occidentaux dans la vaste zone sahélo-saharienne - le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a aussi avancé que les assaillants pouvaient "être des Touareg" prêts à vendre ensuite leurs victimes aux "terroristes".
Forte d'environ 1,5 million de personnes réparties dans cinq pays (Niger, Mali, Algérie, Libye et Burkina Faso), cette communauté nomade a posé ces dernières années de sérieux défis sécuritaires, en particulier à Bamako et Niamey.
Lancée en 2007, la seconde rébellion touareg au Niger (après celle des années 1990), qui réclamait notamment une meilleure répartition des juteux revenus miniers, a laissé sur le carreau de nombreux ex-combattants après la fin des hostilités.
Fin octobre 2009, Niamey avait accordé une amnistie aux rebelles ayant décidé de déposer les armes.
Mais pour Boutali Tchewiren, ancien porte-parole du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ, principal front de l'ex-rébellion), "les promesses d'insertion socio-économique des ex-combattants n'ont jamais été tenues".
Pourtant "à l'époque du régime de Mamadou Tandja (renversé en février), on avait émis des inquiétudes de voir se déverser plus de 7.000 combattants dans la nature avec tous les risques" que cela représentait.
Des craintes qui se sont vérifiées: la radio publique nigérienne soulignait cette semaine que les rapts de jeudi "interviennent au moment où l'on déplore dans la région d'Agadez (nord du Niger) la persistance de l'insécurité après le désarmement des ex-combattants touareg".
L'historien nigérien Djibo Hamani évoque le cas de "gens qui, après avoir participé au mouvement de rébellion, trouvent un moyen facile d?amasser de l'argent" en prenant part à des enlèvements. "Avec une kalachnikov et en une seule opération, ils ont de quoi vivre toute une année", disait-il vendredi sur une radio privée.
Un spécialiste français de la région, Pierre Boilley, directeur du Centre d'étude des mondes africains (Cemaf) au CNRS, souligne aussi le facteur financier.
"Les collusions entre Touareg et islamistes, quand elles existent, sont d'ordre matériel, pour l'argent, plus que militantes", explique-t-il, interrogé à Paris.
Selon M. Boilley, "ce sont des relations de voisinage, puisque Aqmi s'est installée au fil des ans dans des massifs montagneux proches des zones touareg, et des relations d'affaires", notamment dans les trafics en tous genres (drogue, clandestins...) dont ces immenses zones désertiques sont le théâtre.
"Les Touareg ne sont pas, en tant que groupe, alliés ou membres d'Aqmi, qu'ils considèrent même comme un corps étranger. Ce ne sont pas des islamistes ou des terroristes. Il y a même eu des affrontements sanglants, notamment dans la région de Kidal (nord-est du Mali), entre Touareg et Aqmi", relève-t-il, "persuadé qu'il n'y a que très peu de Touareg" dans les rangs des jihadistes.
Et Boutali Tchewiren de renchérir: "ce n'est pas parce que certains des ravisseurs parlent le tamachek qu'il faut accuser toute la communauté touareg".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.