Le président du Faso, Blaise Compaoré, a pris part, le 24 mars 2010 à Tunis en Tunisie, à un forum sur le renforcement des capacités dans les pays postconflit. L’initiative est de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF) qui fête son 20e anniversaire, en collaboration avec la Banque africaine de développement (BAD). A l’occasion, le chef de l’Etat burkinabè, dans l’optique de la prévention des crises, a indiqué que, lors du sommet de l’Union africaine, il avait suggéré à ses pairs de condamner l’attitude de Mamadou Tandja, car celui-ci se dirigeait droit dans le mur. La suite, on la connaît. Retour sur un débat de haut niveau dont l’objectif est de contribuer à la reconstruction des Etats fragilisés par les conflits armés.
« Quel que soit le montant des ressources financières injectées dans le développement de l’Afrique, les résultats obtenus seront limités ou modestes si les pays ne disposent pas de capacités humaines, organisationnelles et institutionnelles nécessaires pour absorber et utiliser efficacement ces ressources ». Cet extrait du Document de stratégie des capacités de la BAD, approuvé par le Conseil d’administration le 13 janvier 2010, résume l’importance de la question du renforcement des capacités, objet du forum.
Mercredi 24 mars 2010, hôtel Ramada Plaza de Tunis, sis à un jet de pierre de la mer : il est 10h 30, et le président du Faso, Blaise Compaoré, est acceuilli par des ovations dans la salle de conférences qui abrite les travaux et installé au présidium en face d’un public venu de plusieurs pays d’Afrique et d’Europe en compagnie de trois autres panelistes, en l’occurrence Dr Donald Kaberuka, président de la BAD ; Anastase Murekezi, ministre de la Fonction publique, représentant Paul Kagamé ; et Frannie Leautier, secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique. A tout seigneur, tout honneur.
Dr Donald Kaberuka est le premier invité à prendre la parole en sa qualité d’initiateur du forum pour l’allocution d’ouverture. L’ancien ministre des Finances du Rwanda sait, mieux que quiconque, les ravages que peut entraîner la guerre dans un pays, le sien ayant connu un génocide. Il est d’ailleurs considéré comme l’architecte du succès des programmes de réformes économiques et de reconstruction engagés au lendemain de la guerre : « L’Afrique, a-t-il dit, a beaucoup souffert des conflits armés, qui ont détruit les infrastructures et les ressources humaines…
C’est pourquoi mon institution s’investit, dans le cadre de la reconstruction de ces pays fragilisés, dans le renforcement des capacités dans les secteurs public et privé ». S’inspirant des expériences au Liberia, en Sierra Leone, aux Comores, Dr Kaberuka pense qu’on peut aider d’autres Etats comme le Zimbabwe et la Somalie à se reconstruire.
Son compatriote Anastase Murekezi, ministre de la Fonction publique du Rwanda, représentant le président Paul Kagamé, a lui axé son intervention sur l’expérience rwandaise dans le renforcement des capacités post-conflit : « Avec le génocide de 1994, tout était à refaire dans mon pays. Mais nous avons réussi à reconstruire, en mettant l’accent sur les secteurs de l’éducation et de la santé.
Grâce à un système d’assurance-maladie, dont 92% des Rwandais bénéficient, la situation sanitaire s’est améliorée. L’éducation est gratuite pendant 9 ans et des centres de formation professionnelle dans différents secteurs ont été créés… Notre système traditionnel de résolution des conflits, appelé « Gaçaça », a été activé pour administrer la justice et conserver l’unité et la réconciliation ». Et ce n’est pas tout, deux stratégies de réduction de la pauvreté et de développement du capital humain ont été adoptées.
Si donc le Rwanda a pu se relancer, c’est grâce à ses différentes politiques de renforcement des capacités, qui ont permis de mettre en branle la machine de l’Etat à travers le leadership dans tous les secteurs d’activités, la participation active des populations et la promotion de la bonne gouvernance.
Le plaidoyer de Blaise Compaoré
C’est, du reste, ce que le chef de l’Etat burkinabè, Blaise Compaoré, a souligné dans son discours : « La reconstruction postconflit est un processus complexe et dynamique qui exige, pour chaque pays, une approche spécifique… Il convient d’établir un cadre d’intervention cohérent associant l’Etat, les populations bénéficiaires et l’ensemble des acteurs intervenant dans le processus ». Pour le président Compaoré, ce cadre d’intervention doit être caractérisé par une combinaison judicieuse d’exigences, dont les principales portent sur la consolidation de la paix et de la sécurité, le renforcement des capacités de l’Etat à assurer les services requis, l’appui à l’identification des besoins en renforcement des capacités, l’affirmation d’une réelle volonté politique et d’un engagement fort de la part des dirigeants des pays postconflit et la lutte contre la corruption. La vision de Blaise Compaoré colle avec celle des Rwandais, à écouter le représentant du président Paul Kagamé.
C’est pourquoi il convient de saluer la tenue de ce forum, car « le partage des réflexions sur le renforcement des capacités dans les pays en situation postconflit est une importante initiative pour la valorisation des ressources humaines, dimension essentielle du processus de développement du continent africain ». Le locataire du palais de Kosyam a exprimé sa gratitude à la BAD, dont « la claire vision des enjeux du développement du continent s’est illustrée par la création de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), qui œuvre, depuis deux décennies, à la promotion du capital humain et à l’accélération d’une croissance soutenue dans les Etats fragiles ».
Car, « quels que soient la qualité et le volume des programmes de développement élaborés, l’impulsion de leur mise en œuvre est d’abord le fait des capacités et non des programmes eux-mêmes », a indiqué Blaise Compaoré, qui encourage la BAD à œuvrer à la création d’un fonds destiné à assurer le retour des personnels qualifiés, l’accroissement de l’appui financier alloué aux Etats fragiles pour le renforcement des capacités humaines et institutionnelles et le soutien continu à la Fondation afin de lui permettre d’étendre son assistance aux pays frontaliers sortant de conflit.
« La longevité au pouvoir n’est pas le plus important »
Le discours du président Compaoré résumait la problématique dans tous ses aspects. Restait maintenant les échanges pour approfondir le problème et cela s’est fait lors du débat sous forme de questions-réponses qui a été animé avec maestria par James Makawa, fondateur et directeur général d’Africa Channel. Les panelistes que sont Blaise Compaoré, Anastase Murekezi, Dr Donald Kaberuka et Frannie Leautier, secrétaire exécutif de la Fondation ont précisé davantage leur vision du renforcement des capacités telle que ébauchée dans leurs discours respectifs.
Mais s’il y a un aspect qui a le plus retenu notre attention, c’est la question des causes des crises socio-politiques en Afrique. Et Blaise Compaoré de dire à ce propos que lors du sommet de l’Union africaine, le débat sur la situation au Niger a été posé et il n’a pas manqué de dire à ses pairs de condamner l’attitude du président Mamadou Tandja qui se dirigeait droit au mur en voulant faire un passage en force.
Comme pour réagir à cette clairvoyance du n°1 burkinabè, un Ghanéen a demandé à Blaise Compaoré si la longévité des dirigeants africains, la succession et l’insécurité d’après-pouvoir ne sont pas les causes principales des conflits. Réponse de l’enfant terrible de Ziniaré : « Le problème ne se pose pas en termes de 10, 20 ou 30 ans au pouvoir. Le plus important, c’est la construction d’une démocratie véritable, c’est-à-dire faire en sorte que les institutions soient crédibles, que les citoyens croient aux élections organisées. Le problème, c’est donc comment organiser des élections transparentes et que le peuple puisse se retrouver dans le scrutin
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