La famine qui tenaille les populations du Niger est à ce point scandaleux que l’on en arrive à se demander à qui la manne de l’uranium a profité jusque-là. On sait l’attrait combien irrésistible qu’exercent les produits minéraliers sur le psychique des gouvernants africains. Qu’on se rappelle les tiraillements entre l’ex-chef de l’Etat du Niger et les premiers responsables d’AREVA à propos du renouvellement des contrats d’exploitation de l’uranium. Les problèmes en rapport avec l’exploitation des ressources naturelles sont criards.
Ils traduisent une forme de mal gouvernance à la fois politique et économique. Au manque de transparence dans la gestion, se greffent aussi des cas d’injustice sociale, l’absence de mesures de protection de l’environnement, de la santé des travailleurs et des communautés vivant dans la zone. En début de ce mois par exemple, des conclusions de trois ans d’enquêtes ont été présentées à Paris. Elles proviennent de juristes, scientifiques, médecins et représentants des associations de victimes des mines d’Arlit au Niger et de Mounana, au Gabon. Selon William Bourdon, le président et fondateur de l’association Sherpa, il y a « de très sérieuses raisons de penser que des Africains et des expatriés français ont contracté des maladies seulement en raison des manquements d’AREVA en matière de protection de la santé et de l’environnement ». Mais Areva conteste toujours ces accusations, affirmant que de nombreuses interprétations sont « sans fondement ». Qu’en pensent les autorités africaines ? Mystère.
Le plus souvent assaillis, dépossédés de leurs terres sans contrepartie véritable, les habitants des zones d’exploitation minière n’ont que leurs yeux pour pleurer. Les plus audacieux peuvent tenter de se faire recruter par les sociétés minières. Mais sans qualification aucune, ils ne reçoivent en retour que des rapines. Restent donc les petits boulots (artisanat, petit commerce, etc.) et…le pénible chemin de l’exil. Qu’il est bien triste de subir la loi de ces frères qui ont été à l’école du Blanc et qui gouvernent aujourd’hui ! Ils décident généralement de tout, en leur nom. Sans même avoir la décence de les informer, encore moins de les associer aux prises de décision qui scellent pourtant leur destin. D’où ces soudains élans de révoltes qui tendent à se multiplier. Comme ces rébellions armées des communautés du Delta du fleuve Niger aux prises avec la compagnie néerlandaise Shell et le gouvernement fédéral nigérian. Comment aussi ne pas voir ces rébellions touarègues se perpétuer au Niger si rien n’est fait pour assurer le développement de régions riches en produits miniers ?
Les revendications ont pourtant l’air simple : donner à la région la part qui lui revient dans l’exploitation des ressources. Cela devrait permettre d’assurer un meilleur développement des localités concernées. Sauf que l’initiative pourrait aussi donner à réfléchir à d’autres communautés. Or, dans l’opération, il y a risque pour le pouvoir central, de se voir dépossédé de ses prérogatives et sevré d’une partie de ses ressources. Celles-ci, le plus souvent, passent par les labyrinthes des ministères et se diluent dans l’opacité de la gestion bureaucratique des ressources de l’Etat. On ne dénoncera jamais assez ces slaloms qui permettent en définitive à des délinquants à col blanc d’extorquer impunément les fonds publics qui devraient servir à sauver de nombreux concitoyens en manque de nourriture, d’eau, de soins de base, d’éducation, etc.
Mais où va donc l’argent de l’uranium exploité au Niger depuis des lustres ? Rien d’étonnant donc qu’une fois au pouvoir, la junte ait rapidement limogé vingt dirigeants de sociétés publiques. Ils ont été remplacés par des civils et des militaires. Les successeurs du dictateur Mamadou Tandja, mettent en cause la gestion de certaines compagnies nationales, notamment celles en charge de l’exploitation de l’uranium et du pétrole. Ils accèdent ainsi à la demande du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire. Celui-ci exige une enquête pour "situer les responsabilités" sur des affaires présumées de corruption concernant des ventes de permis miniers par le régime du président renversé.
Si le cas du Niger est dramatique, celui de la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne n’est pas moins révoltant. En effet, contrairement à l’Asie et à l’Afrique du Nord, l’Afrique sub-saharienne en particulier gère mal les sommes faramineuses tirées de l’exploitation du sol et du sous-sol. Les masses d’argent tirées des ressources minières ne profitent généralement pas à la majorité silencieuse. Un paradoxe africain qui n’étonne guère. Mais aussi un scandale qui doit prendre fin en ce début de millénaire. A croire que les ressources minières n’apportent que misère aux populations africaines. Et il en sera tojours ainsi tant qu’elles ne seront pas utilisées à développer les cultures céréalières.
Les organisations de défense des droits de l’homme, les militants des luttes pour une transparence dans l’utilisation des deniers publics, devraient intensifier le combat à ce niveau. Ils doivent bénéficier pour cela du soutien actif et diplomatique des partenaires techniques et financiers. Faire passer le message et exiger des comptes aux gouvernants sont autant de droits défendus par les constitutions des Etats.
Les scandales géologiques ne doivent pas constituer des freins au développement du continent. Il faut surveiller plus sérieusement ces fonds communs qui profitent aux gens du système, plus nantis mais peu soucieux de l’avenir du pays. Une minorité d’impunis qui s’arrogent continuellement les fonds publics aux dépens d’une majorité qui tend indéfiniment la sébile. Une malédiction à conjurer.
"Le Pays"
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