"Il y a des jours où je me demande ce que je fais là", confie un professeur du lycée français de Niamey. Après le rapt le 16 septembre dans le nord du Niger de sept étrangers dont cinq Français, le doute tenaille des expatriés dans la capitale nigérienne: rester ou partir ?
D'autres n'ont pas eu à s'interroger. Sitôt après l'enlèvement de leurs salariés à Arlit (1.200 km au nord-est de Niamey) par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le géant nucléaire français Areva, Satom (groupe français Vinci) et d'autres sous-traitants ont évacué leurs 185 expatriés, à Niamey d'abord, souvent à Paris ensuite.
"Arlit, on se dit que c'est loin, ça pourrait être un autre pays", dit à l'AFP sous couvert d'anonymat ce jeune professeur, l'un des quelque 1.700 expatriés français au Niger.
Toutefois, dans la paisible Niamey, capitale aux allures de gros bourg où le lycée français subit à toute vitesse d'importants travaux de sécurisation, "on est quand même un peu plus vigilant". Pour cet enseignant attiré il y a trois ans par les "conditions financières très intéressantes" liées à l'exil, la vie a changé: finis les "petits week-ends" entre amis en-dehors de Niamey, les parties de campagne au bord de l'eau.
Depuis l'enlèvement fin 2008 de diplomates canadiens à seulement 40 km à l'ouest de la capitale, puis celui dans le nord du Français Michel Germaneau, mort en juillet, "on est enfermés à Niamey", dans la "zone verte" où la France donne pour consigne de rester, le nord étant la "zone rouge".
Avec les derniers rapts, ajoute-t-il, "on est pas mal d'+expats+ à se demander si on va rester".
Sur la spacieuse terrasse du Grand hôtel, William Edwards est venu prendre un verre avec sa jeune épouse nigérienne Jamila. Comme de nombreux étrangers le font ici chaque soir, ils profitent du coucher de soleil sur le fleuve Niger qui s'écoule paresseusement en contrebas, entre les herbes.
Cet Australien installé depuis onze ans dans le pays, patron d'un bar en centre-ville fréquenté par "les Blancs", assure voir à Niamey "beaucoup moins d'étrangers depuis un an et demi". "Je commence à avoir un peu peur", avoue le quadragénaire à la silhouette juvénile. Lui qui a vécu à Bali redoute des attentats comme celui qui avait visé en 2002 une boîte de nuit sur l'île indonésienne, faisant plus de 200 morts. "S'il arrive quelque chose, on part avec ma femme et mon fils".
Un peu plus loin, Martin Danner ne se pose plus la question. Après des années dans la coopération allemande, il prend sa retraite et quitte le Niger dans quelques jours. Alors que durant son précédent séjour (1996-2002), il parcourait librement le pays, ces dernières années il a dû se plier aux instructions des autorités de son pays: il ne voyageait plus au-delà de Tahoua (500 km au nord-est de Niamey).
De leur côté, des agences onusiennes telles que le Programme alimentaire mondial (PAM), essentielles pour un pays qui a de nouveau connu en 2010 une grave crise alimentaire, n'envoient plus leur personnel que sous escorte militaire dans certaines zones à risque.
Martin Danner, qui sera bientôt berlinois, s'inquiète de voir les "fondamentalistes" gagner du terrain au Niger, y compris dans le sud autour des grandes villes de Maradi et Zinder, où les Etats-Unis déconseillaient récemment à leurs ressortissants de se rendre. Mais il ne s'est jamais senti en danger.
"A Niamey, l'ennemi c'est le climat", dit le sexagénaire avec un sourire fatigué, en écrasant une goutte de sueur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.