La démocratie agonise, Paris fore à tout-va
NIGER - Le parti du président Mamadou Tandja a remporté les élections législatives controversées...
La démocratie nigérienne bat de l'aile. En maintenant, la semaine dernière, des élections législatives contestées, le président nigérien, Mamadou Tandja, a définitivement réussi à confisquer les institutions de son pays. Un virage amorcé le 4 août dernier, lors d'un référendum à l'issue duquel il a fait modifier la Constitution pour prolonger son mandat jusqu'en 2012, au lieu de se retirer en 2009 comme prévu. Sans surprise, les résultats de la consultation connus samedi ont donné une victoire écrasante à son parti, avec 76 sièges sur 113 au Parlement.
«Un véritable coup d'Etat constitutionnel», dénonce Olivier Thimonier, secrétaire général de Survie, qui travaille sur la politique de la France en Afrique. Pour l'association, cette situation n'est possible qu'en raison de la rente tirée des ressources en uranium du pays et accaparée par ses dirigeants. Principal acteur de l'exploitation minière au Niger: la société française Areva, anciennement Cogema. Une position qui remonte à 1961, aux lendemains de l'indépendance et de la signature d'un accord de défense entre Paris et Niamey instaurant un accès privilégié de la France aux ressources nigériennes. Ainsi, Areva, leader mondial du nucléaire civil, tire aujourd'hui près de 40% de sa production d'uranium des mines d'Arlit et d'Akouta.
Pas étonnant donc que Paris se soit montré plutôt timide pour dénoncer les agissements du président Tandja. Par la voie de son porte-parole, le Quai d'Orsay a dit «veiller à préserver des contacts à haut niveau avec la classe politique nigérienne et, tout particulièrement, avec les représentants de l'opposition.» Pas de condamnation ni d'avertissement à l'adresse d'un régime qui, en quelques semaines, a fait arrêter pas moins de cinquante militants opposés à la réforme constitutionnelle, et qui a accusé de corruption chaque député qui critiquait la confiscation des institutions par l'exécutif.
Pour Antoine Glaser, directeur de La Lettre du Continent, la France est même la complice tacite de ce coup de force de Tandja contre les institutions: «C'est le partenaire privilégié pour l'exploitation de la mine d'uranium d'Imouraren, donc il est très important qu'il reste en poste.» Ce site, découvert en 1966 par Areva (alors CEA), est au coeur des relations entre Paris et Niamey. Il explique la grande prudence dont fait preuve la France dès qu'on touche aux affaires nigériennes. Car il aura fallu attendre plus de quarante ans pour qu'Areva obtienne le permis d'exploiter Imouraren, en janvier 2009. Ce site, le plus important d'Afrique, devrait entrer en service en 2012 pour trente-cinq ans au moins et permettre à Areva de doubler ses ressources en uranium, pour atteindre 10.000 tonnes par an.
Symboliquement, c'est à l'occasion de l'inauguration de la mine, le 4 mai dernier, que Mamadou Tandja, 71 ans, a fait part aux autorités françaises, représentées par Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, de sa volonté de prolonger son mandat. Au cabinet du ministre, on dit avoir pris la peine d'exprimer à Tandja la ferme opposition de Paris à ses projets. «Mais, pour des raisons de sécurité dans cette zone du Sahel où Al-Qaida est de plus en plus présente, on ne peut pas aller jusqu'à la rupture des liens.» Rien qui, dans le discours officiel, ne concerne Areva et ses intérêts gigantesques dans le pays.
La présence d'Areva au Niger n'est, en outre, pas exempte de reproche. Des rapports de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) ont mis en cause les « négligences » du groupe nucléaire en matière de protection sanitaire et environnementale. Autant d'accusations qu'Areva dément. Reste ce constat, implacable. Après quarante ans de présence du géant du nucléaire civil, le Niger reste l'un des pays les plus pauvres du monde.
Armelle Le Goff
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